La part de nos émissions de CO2 dans l’atmosphère

Un des mantras préférés des climato-nigauds consiste à affirmer que les émissions anthropiques de CO2 ne représenteraient que 4% du total des émissions naturelles. Qu’en est-il exactement ? Comment a été calculé ce pourcentage ? Est-il pertinent ?

Commençons par expliquer d’où viennent ces 4 %. Pour répondre à cette question, il faut examiner l’inventaire des sources et des puits de CO2 sur Terre, que l’on peut visualiser sur cette illustration tirée du rapport 2013 du GIEC :

Obtained from IPCC, 2013: Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC WG1 – AR5 – Chapter 6)

Cette infographie n’est pas si simple que cela à digérer. Pour faciliter l’émergence d’une synthèse, j’ai repris les valeurs des émissions et des absorptions impliquant l’atmosphère dans une feuille de calcul :

Ces valeurs sont exprimées en PgC yr-1 , c’est à dire, en clair, en péta-gramme de carbone par an, ou si vous préférez, en gigatonne de carbone (GtC) par an. Les émission anthropiques sont de 7.8 + 1.1 = 8.9 GtC par an, et les émissions naturelles sont de 78.4 + 1.0 + 118.7 + 0.1 = 198.2 GtC par an. Maintenant, si on divise les émissions anthropiques par les émissions naturelles, on retrouve les 4.5% chers aux climato-neuneus. Mais il ne faut pas avoir fait « polytech » pour s’apercevoir que quelque chose cloche dans ce raisonnement : les sources naturelles sont aussi des puits. Et si on fait le bilan des émissions et absorptions naturelles, on trouve -5.1 GtC, valeur négative qui signifie que globalement, la Nature absorbe plus que ce qu’elle émet. Par conséquent, les émissions anthropiques doivent être comparées à ce bilan émissions-absorptions naturelles, ce qui donne un déséquilibre de 4.8 GtC annuel. Autrement dit, sur les 8.9 GtC que nous émettons chaque année, 5.1 sont absorbés par la Nature, le reste (4.8) va s’accumuler dans dans l’atmosphère.

Avec une concentration légèrement supérieure à 400 ppm, la quantité totale de CO2 dans l’atmosphère est d’environ 850 GtC (voir page 42 de [3]). Et donc, chaque année, l’Homme accroît de 0.565% cette quantité. (D’après le site de la NOAA [4], le taux d’augmentation annuel mesuré sur la période 2009-2018 est de 2.3 ppm par an.)

Origine de l’augmentation du CO2

Le CO2 atmosphérique est passé de 280 ppm au début de l’ère industrielle [1] à un peu plus de 400 ppm aujourd’hui [2].

D’après François Gervais (pages 31-32 de [6]), cette augmentation du CO2 s’expliquerait par le dégazage des océans consécutif à l’augmentation de la température globale moyenne (loi de Henry). Cette explication ne tient pas la route pour au moins deux raisons. D’une part, elle est contredite avec une simple balance des masses. Les émissions anthropiques sont de 8.9 GtC par an, mais l’augmentation annuelle dans l’atmosphère n’est que 4.8 GtC. Nous venons de voir plus haut que le reste de nos émissions était en fait absorbé par les océans et la biosphère terrestre. Si les océans absorbent globalement plus que ce qu’ils émettent (acidification), ils ne peuvent logiquement pas expliquer l’augmentation du CO2 atmosphérique. Si les océans et la biosphère étaient réellement des émetteurs nets, alors l’augmentation annuelle du CO2 atmosphérique devrait être supérieure aux émissions anthropiques, ce qui n’est pas le cas. D’autre part, l’hypothèse du dégazage des océans est aussi invalidée par la mesure de l’évolution de la concentration des isotopes 13 et 14 du carbone dans le CO2 atmosphérique. Ces concentrations diminuent [5] ce qui est incompatible avec une origine océanique du CO2. Ces diminutions ne peuvent s’expliquer que par la combustion des fossiles, qui sont pauvre en C13 et dépourvu de C14. On appelle cela l’effet Suess.

Sources

[1] D. M. Etheridge, L. P. Steele, R. L. Langenfelds, R. J. Francey, J.-M. Barnola et V. I. Morgan, « Historical CO2 Records from the Law Dome DE08, DE08-2, and DSS Ice Cores » , sur Carbon Dioxide Information Analysis Center, 1998

[2] NASA. Site web : climate.nasa.gov. « Vital signs – Carbon dioxyde ». Consulté le 01-06-2022. https://climate.nasa.gov/vital-signs/carbon-dioxide/

[3] Peter V. Hobbs and John M. Wallace (2006). Atmospheric Science: An Introductory Survey, 2nd Edition. Academic Press.

[4] National Oceanic and Atmospheric Administration. Site web : climate.gov. « Climate Change: Atmospheric Carbon Dioxide ». Consulté le 01-06-2022. https://www.climate.gov/news-features/understanding-climate/climate-change-atmospheric-carbon-dioxide

[5] National Oceanic and Atmospheric Administration. Global Monitoring Laboratory. Site web : gml.noaa.gov. « The Data: What 13C Tells Us ». Consulté le 01-06-2022. https://gml.noaa.gov/ccgg/isotopes/c13tellsus.html

[6] François Gervais (2013). L’innocence du carbone. Albin Michel.

(2 commentaires)

  1. Bonjour,
    Préambule :
    Je me considère comme un « climatocurieux » ce qui signifie que le sujet m’intéresse, que je n’ai aucune prétention à être un expert (ni même de le devenir) car mon « cursus » scientifique (français) est limité et lointain (Terminale C – 1990), mais que, d’une part je déteste prendre pour argent comptant les discours simplificateurs (quels qu’ils soient) et d’autre part je refuse de « céder à la panique » ambiante (je ne suis tout simplement pas câblé comme ça). Je suis donc tombé sur votre blog au hasard de mes recherches et j’en ai apprécié la teneur car il me permet de comprendre un peu mieux le sujet.

    A la suite de cet article, plusieurs questions me taraudent (mais surtout la dernière) :
    A la lecture de votre tableau de bilan, il apparaît clairement que la photosynthèse est « l’absorbeur » majeur de CO2. Toutefois, les plantes ont aussi un mécanisme respiratoire qui leur fait absorber de l’O2 et rejeter du CO2.
    Est-ce dernier point que vous appelez respiration de la biomasse ou bien cela inclut-il aussi toutes les émissions animales ?
    Quel est le bilan CO2 respiration / photosynthèse des plantes ?
    Partant du principe que ce bilan est forcément positif (plus de CO2 absorbé que rejeté, sinon les plantes ne pousseraient pas), quelle est la surface végétale supplémentaire qu’il faudrait apporter pour compenser le surplus de CO2 d’origine humaine (à savoir les 4.8 Gt annuelle) ? En 1re approche, cela me semblerait être une piste relativement simple et peu couteuse à mettre en oeuvre pour « limiter la casse ».
    Merci de votre retour.
    Bien cordialement.

    1. Bonjour,
      Merci pour votre intérêt.
      Le tableau de synthèse absorptions/émissions est un bilan complet, il prend donc en compte aussi bien le CO2 absorbé que le CO2 émis par la végétation. La respiration animale est reprise dans la catégorie « Respiration biomasse et feux ».
      Pour ce qui est des politiques à mettre en place pour « limiter la casse » comme vous dites, planter des arbres semble être une solution logique. Je pense qu’on devrait déjà commencer par stopper la déforestation qui a lieu un peu partout dans le monde, pas seulement en Amazonie, mais aussi à Madagascar, en Indonésie,… et aussi en Europe (forêts primaires en Roumanie par exemple). Planter des arbres, oui, mais où, et comment, et avec quels moyens, et au détriment de quelles autres activités ? Pour ce qui est de l’aspect quantitatif, en tablant sur 25 kg de CO2 capturés par an par arbre, et en sachant que nos émissions sont d’environ 40 milliards de tonnes de CO2 par an, il faudrait planter des centaines de milliards d’arbres pour compenser nos émissions.
      Planter massivement des arbres pose aussi d’autres problèmes :
      * albedo : une forêt a un albedo bien plus faible qu’une prairie;
      * quelles essences choisir et quelles sont les conséquences de ces choix sur la biodiversité;
      * certains milieux ouverts comme les tourbières absorbent bien plus de CO2 qu’une forêt; est-il dès lors judicieux d’aller planter des forêts à la place;
      * une forêt a besoin d’eau;
      * gestion des risques d’incendies;
      * gestion des parasites, des maladies;
      * …
      Bref, cette idée n’est pas simple du tout, et ne nous ramènera pas la bioversité qui a été définitivement perdue quand nous avons détruit leurs écosystèmes…
      Cordialement.

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